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PRESSION PARENTALE : AUTONOMIE ET MATERNAGE

Dernière mise à jour : 17 mars

Entre attentes sociétales et réalités développementales


Dès la naissance, les parents font face à des injonctions contradictoires. D’un côté, l’idée qu’un bébé devrait être rapidement autonome : s’endormir seul, se calmer sans aide, ne pas “trop” dépendre de l’adulte. De l’autre, la pression d’un maternage constant, où l’on doit être présent à chaque instant, deviner les besoins avant même qu’ils ne s’expriment. Entre ces deux extrêmes, il est facile de se sentir perdu… et coupable. Pourtant, en regardant du côté du développement du bébé, on comprend que l’autonomie ne s’oppose pas à la dépendance. Au contraire, elle en découle.


L’autonomie infantile précoce : un mythe ancré dans nos sociétés


Dans notre société, un bébé qui “fait ses nuits”, s’apaise seul ou dort sans être bercé est souvent perçu comme un bébé facile et ses parents comme compétents. Derrière cette vision, il y a une idée très ancrée : celle que l’autonomie serait un objectif dès les premiers mois. Pourtant, d’un point de vue développemental, cette attente est irréaliste.


Un bébé n’a ni les capacités émotionnelles ni neurologiques pour gérer seul ses états internes. Son cerveau, et notamment son cortex préfrontal (responsable de l’autorégulation), est encore immature. Lorsqu’un tout-petit est laissé à lui-même pour s’apaiser, il n’apprend pas à gérer son stress : il finit plutôt par se résigner. Son système nerveux passe en mode survie, ce que certains chercheurs appellent l’état de “désespoir détaché” (Tronick, 1978).


Dans d’autres cultures où le maternage proximal est la norme, les enfants grandissent en proximité physique constante avec leurs parents et deviennent tout aussi autonomes (Morelli et al., 1992).


L’autonomie se construit dans la sécurité


Loin de retarder l’indépendance, répondre aux besoins d’un bébé lui donne les bases pour la développer. C’est le principe de l’attachement sécurisant : un enfant qui sait qu’il peut compter sur l’adulte explore avec plus d’assurance. Il n’a pas besoin d’être en hypervigilance ou de se débrouiller seul trop tôt.


Les recherches montrent que les enfants qui ont bénéficié d’un lien stable et prévisible avec leurs parents deviennent plus autonomes sur le long terme (Bowlby, 1969 ; Sroufe, 2005). À l’inverse, ceux dont les besoins ont été ignorés ou dont les figures d’attachement étaient imprévisibles développent parfois des stratégies moins efficaces :

• Une hyper-indépendance défensive, où l’enfant apprend à ne pas exprimer ses besoins (attachement évitant).

• Une dépendance excessive, avec une forte insécurité dans la séparation (attachement anxieux).


L’autonomie est un processus progressif qui se construit à travers des interactions ajustées. Répondre aux besoins de réassurance de son bébé ne signifie pas l’empêcher de grandir, mais lui donner les ressources nécessaires pour qu’il développe une confiance en lui et en l’autre.


Une pression sociale contradictoire


Si l’attente d’autonomie précoce peut être culpabilisante, l’idéalisation du maternage proximal peut l’être tout autant. On attend souvent du parent qu’il soit en permanence disponible, intuitif, capable de répondre immédiatement aux besoins de son bébé… sans jamais se sentir fatigué ni dépassé.

Face à ces attentes opposées – d’un côté, la crainte de trop en faire, et de l’autre, celle de ne pas en faire assez – les parents se retrouvent sous tension.


Ces injonctions peuvent faire naître des doutes :

• Si je berce mon bébé pour l’endormir, vais-je l’empêcher de dormir seul plus tard ?

• Si je le laisse s’apaiser, vais-je nuire à son sentiment de sécurité ?

• Si je le porte souvent, va-t-il être “trop” dépendant ?


Ces dilemmes créent une pression énorme, alors qu’en réalité, il n’y a pas de réponse unique. Chaque bébé a son propre rythme, chaque parent ses propres limites.


Trouver son propre équilibre parental


Sortir de la culpabilité, c’est comprendre que la parentalité n’est pas une question de tout ou rien. L’attachement se construit dans la constance et l’ajustement, pas dans la perfection.


Loin d’être opposées, dépendance et autonomie sont liées. Un bébé qui sait qu’il peut compter sur l’adulte grandit avec la confiance nécessaire pour, un jour, faire seul.


En réalité, l’autonomie n’est pas un objectif à atteindre, mais un processus qui se construit, à son rythme. Un bébé qui a besoin d’être bercé aujourd’hui pourra très bien s’endormir seul demain. Ce qui compte, ce n’est pas d’aller plus vite, mais de poser des bases solides pour l’avenir.


Références

• Ainsworth, M. D. S. (1978). Patterns of attachment: A psychological study of the strange situation. Hillsdale, NJ: Erlbaum.

• Bowlby, J. (1969). Attachment and Loss: Vol. 1. Attachment. New York: Basic Books.

• Morelli, G. A., Rogoff, B., Oppenheim, D., & Goldsmith, D. (1992). Cultural variation in infants’ sleeping arrangements: Questions of independence. Developmental Psychology, 28(4), 604-613.

• Sroufe, L. A. (2005). Attachment and development: A prospective, longitudinal study from birth to adulthood. Attachment & Human Development, 7(4), 349-367.

• Tronick, E. (1978). Infant communication intent: The still-face paradigm. Science, 200(4346), 1171-1173.

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Noémie Vaillant

Psychologue LE BOUSCAT

Numéro ADELI : 339331027 - Numéro SIRET : 909 011 868 00025 - RRPS 10008734393

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